LA FORÊT USAGÈRE
Avec
Julien Tiberi, Clément Rodzielski, Åbäke, Pierre Leguillon, Aurélien Froment, Charlie Jeffery, Nicolas Chardon, Colombe Marcasiano,
Eva Taulois, Jesus Alberto Benitez, Niels Trannois, Hippolyte Hentgen, Roxane Borujerdi, Syndicat, Izet Sheshivari, Cyril Verde,
Olivier Soulerin, Raphaël Julliard, Christophe Lemaitre
Vernissage le Vendredi 23 et le Samedi 24 Mai 2014 de 18 h à 21 h
23.05 – 12.07.2014
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D’où vient le titre de cette exposition ?
L’exposition La Forêt Usagère tire son titre d’une discussion avec Dominique Blais autour d’un projet de Patrick Bernier et Olive Martin dont le sujet est une forêt du sud-ouest de la France qui a pour spécificité d’être un bien commun lié à plusieurs communes. Cette forêt est divisée en plusieurs parts, que certains habitants possèdent en plus grande quantité que d’autres. Mais une part ne représente pas un endroit précis de la forêt, elle correspond à la quantité de bois qui peut être prélevé par l’habitant dans le domaine. On peut imaginer qu’il s’agisse de bois mort pour le chauffage ou d’un bois plus noble dans lequel on taillera une poutre faîtière ou une sculpture.
Le souvenir que me laisse cette discussion est que cette forêt est un réservoir d’usages tout autant qu’un espace commun sans territoires. Je crois que c’est aussi une grande source de conflits et un cas d’école pour qui souhaite se lancer dans des études de droit. Rien d’allégorique dans ce titre alors ?
Si, si : l’accrochage sera sûrement très forestier ! (Rires)
Il faut comprendre ceci par rapport à une autre allégorie : un accrochage qui serait un jardin à la française. Pourquoi une telle exposition aujourd’hui ?
L’année où j’ai sérieusement décidé d’affirmer une pratique artistique, j’ai d’abord cherché à construire ses conditions de possibilité. De la même façon, j’ai commencé par des études d’histoire de l’art avant de faire une école de type Beaux-Arts et conclure mon cursus par une formation de commissaire d’exposition. Dans tous les cas, j’ai tenté de déterminer un ordre dans lequel faire les choses. Si les projets sont biens ordonnés, on peut imaginer que leur enchaînement s’effectue en suivant cette douce logique qui a la beauté régressive des parcours de dominos où il n’y a plus qu’à pousser le premier une fois les choses en place. L’avantage de la logique c’est son obstination.
Est-ce sur ce type de logique que repose votre pratique ?
L’économie que j’ai mise en place repose en grande partie sur la photographie de vues d’exposition. J’achète ainsi une certaine indépendance en allant photographier les œuvres d’autres artistes. La photographie de vues d’exposition n’est pas une photographie terriblement technique, par contre elle est très exigeante en terme de lecture. Si la qualité du photographe de studio est de lire les matières, celle du photographe de mode de lire les attitudes, celle du photographe d’architecture de traduire les volumes, celle du reporter de choisir son camp, la qualité du photographe de vues d’exposition est de savoir lire les œuvres et l’infinité des discours qu’elles peuvent articuler. On dira ici que lire, c’est une des manières de se laisser traverser. Je suis donc traversé par la multitude des pratiques que je photographie. Si je m’attache à la rassurante convention d’une neutralité documentaire rien ne transparaît de ces traversées dans les photographies que je remets à mes commanditaires. Mais cette apparente absence d’affect n’est que la surface policée qui permet à mon économie d’exister : je ne photographie pas des œuvres comme s’il s’agissait de soupe en boîte !
Les œuvres que vous photographiez ont donc une influence sur vous.
Cette pratique de la vue d’expositions qui me met au contact de différents types d’œuvres mais occupe aussi une partie de mon temps disponible m’a conduit assez tôt à envisager la collaboration comme un mode de production adapté à ma situation. Cela m’a permis de mieux connaître des artistes qui m’intéressaient en faisant avec eux l’expérience de la réalisation d’une œuvre commune.
Dans des séries comme Les Objets Incompletsou les Dessins Bifaces, la base de la collaboration est une sorte de règle du jeu. A nouveau, comme dans la photographie d’exposition, il est question de fixer un cadre qui organise ensuite la production. Ce peut être un objet chiné pour ses manques ou un collage fait de papiers carbones. Les uns comme les autres sont des objets potentiels, des « œuvres ouvertes » en amont, destinées à accueillir d’autres pratiques, d’autres logiques, d’autres personnalités. Ces séries sont un moyen de connaissance. Dans le meilleur des cas, elles révèlent des pensées qui sous-tendent le travail d’artistes qui m’intéressent. Autre avantage qui n’est pas à négliger : la collaboration me permet aussi de gagner du temps. La réalisation de l’œuvre est toujours en train d’avancer y compris quand je n’ai pas de temps à lui consacrer.
Quelles sont les conséquences d’une telle démarche ?
J’ai dit plus haut que cette économie achetait mon indépendance. Cette dernière serait un vain mot si elle n’avait aucune conséquence. Il s’agit premièrement d’une indépendance en terme de production. Les moyens qui s’offrent à l’artiste aujourd’hui pour réaliser son Idée sont multiples.
De la résidence à l’association avec une galerie, de la bourse de recherche à l’exposition dans une riche fondation, chaque possibilité exige cependant une contrepartie. Les résidences ne sont parfois que des espaces temps sans moyens ou pire : des pièges qui transforment l’artiste en animateur pour rentabiliser à maxima sa présence financée par l’argent public.
Notable exception, Artistes en Résidence monté par Martial Déflacieux à Clermont-Ferrand est un des plus beaux projets qu’il m’aie été donné d’expérimenter. S’associer avec une galerie soumet le travail à une logique marchande. La bonne galerie créera une zone tampon entre l’artiste et le marché, la mauvaise encouragera l’artiste à s’embourber dans les ornières du style. Il est en effet plus rentable de reconnaître que de chercher à connaître. La bourse de recherche est une belle opportunité mais il faut que celui qui l’accorde accepte qu’elle puisse ne mener nulle part.
Ces remarques sont assez générales, mais que signifie plus précisément cette indépendance vous concernant ?
L’autre forme d’indépendance est liée au fait de ne pas vivre de son art. Instinctivement, je trouve que c’est une bonne chose de détacher une pratique artistique des inévitables problèmes de subsistance. Du moins, que l’un n’essaie pas de résoudre l’autre. Je pourrais argumenter de façon précise sur ce point mais je n’en ferai rien ici.
Ici, je remercierai les visiteurs de la forêt : Åbäke, Jesús Alberto Benitez, Roxane Borujerdi, Nicolas Chardon, Aurélien Froment, Hyppolite Hentgen, Charlie Jeffery, Raphaël Julliard, Pierre Leguillon Christophe Lemaitre, Colombe Marcasiano, Clément Rodzielski, Izet Sheshivari, Olivier Soulerin, SYNDICAT, Julien Tiberi, Eva Taulois, Niels Trannois, Cyril Verde.
Autre chose ?
Oui : dans cette forêt usagère il y aura peut-être un lac, tout aussi usager, face auquel passer du temps.
Aurélien Mole.
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73-75 rue Quincampoix 75003 Paris France
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