09.12 – 23.12.2017 et 09.01 – 27.01.2018
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Peut-être n’y croirez vous pas. Un petit trèfle a surgi de la tige d’un autre à quatre feuilles déjà lui-même relié à un trèfle à cinq feuilles (366, 2017). Quelle chance inouïe, quelle fortunée coïncidence a permis l’heureuse trouvaille ? Entre deux averses, surpris par un rayon de soleil, l’arc en ciel s’est formé. Le voilà ramené dans la galerie (arc, 2017), tout aussi heureusement que les trèfles, tandis que le soleil retenu sur la pellicule embrasse un arbre, imposant sa présence autoritaire jusqu’effacer en partie le tronc (small kiss, 2017). Là haut, sur le plafond, se devine une phrase énigmatique, d’une simplicité désarmante. Adressée à un spectateur solitaire en élévation, son pouvoir évocateur lui emplit les narines pour le ramener au sol : « pluie d’été sur asphalte » (toi et moi, 2017). L’eau s’est déversée dans deux verres ; l’ourlet du liquide prêt à jaillir se retient en équilibre fragile à la surface du cristal pour se rejoindre en un point de tension fébrile (nothing ever happened, 2014). Phénomène au moins aussi énigmatique, des plantes sont secouée par un fou rire silencieux (folie, 2017). De la jungle taïwanaise aux forêts allemandes, quel étrange balai de gestes, de faits et d’objets absents – à priori – de toute qualité, Charlotte Seidel a-t-elle chorégraphié ?
L’artiste a un peu forcé la chance. Pendant un an, elle s’est attelée à chercher autant de trèfles à quatre feuilles qu’il y a de jours dans l’année. Elle porte son regard – et le nôtre avec – sur « ce qu’il y a de plus difficile à découvrir »1. Elle relève ce qui n’est ni une région, ni une localité, encore moins un spectacle. « Insignifiant », « sans vérité, sans réalité, sans secret »2, sans sujet ni objet, « sans événement »3, l’appréhension du quotidien semble impossible. Au moment où l’homme le vit, il reste toujours « inaperçu »4. Serait-ce une des raisons pour lesquelles Charlotte Seidel s’y attache ? Engoncés dans une quotidienneté que nous ignorons, nous ne donnons sens à l’ordinaire qu’en l’inscrivant dans un ensemble cohérent, à posteriori. Maurice Blanchot reconnaît d’ailleurs que, tout au plus, nous pouvons « revoir le quotidien »5 . Impossible de le voir pour la première fois ; lorsqu’il a lieu, il est déjà manqué. Est-ce que les œuvres ici présentées nous permettraient ce revoir ?
Dans le sous-sol de la galerie, les murs respirent, le marais suinte sur les parois de ce qui pourrait s’assimiler à la crypte d’une église paléochrétienne. Charlotte Seidel choisit d’y déposer une cloche vide, qui ne protège plus rien. Le verre est brouillé par des traces de sels minéraux, suggérant une évaporation. Pas n’importe laquelle : celle d’eau de Lourdes. Disparu le miracle. Il ne reste que la marque d’une absence, présentée comme une apparition (sans titre, 2017). N’est-ce pas ce que suppose également ce siège encore chaud d’une présence disparue (Joseph, 2005/2017) ? L’artiste nous demande de la croire, comme nous croyons à ces rituels quotidiens qui règlent nos vies. Des pièces de monnaie ont rouillé sur une feuille à aquarelle. Elles dessinent une composition déficiente, dansent sur une partition dont les notes se gâtent, laissent la marque de leur passage comme au fond d’une fontaine (Il arrive qu’on aperçoive les étoiles, 2017). Les cercles formés par l’oxydation font échos aux tâches ocres de vielles photographies, jaunies par le temps – ce temps qui s’attelle à les faire disparaître et nous amène à penser ce qui a été (Yesterday, 2013). Au même moment, travelling (2013) nous promène au plus près d’une image floue dont la très lente apparition la fait quasiment s’éteindre. Les œuvres de Charlotte Seidel honoreraient elles autre chose qu’elles-mêmes ? Leur manifestation servent-elles une finalité extérieure ? Ses œuvres portent en elles quelque chose de l’apparition du religieux et font appel à notre crédulité. Sises dans notre quotidienneté, tirées de l’ordinaire le plus indiscernable, elles nous donnent à revoir la vacuité de nos croyances, de nos gestes superstitieux ou formes de bigoteries. Véritables memento mori placées dans un espace auquel est conféré quelque chose de la sacralité de l’église, ces œuvres dévoilent la beauté surannée de l’ordinaire, l’incapacité à réchapper à l’emprise du temps comme la vanité d’y avoir jamais cru.
2 Ibid., p. 357.
3 Ibid., p. 363.
4 Ibid.
5 Ibid., p. 358.
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